L'essayiste et polémiste Jean-Paul Desbiens, qui s'est fait connaître avec la publication des Insolences du Frère Untel, dans les années 1960, est décédé dimanche. Il était âgé de 79 ans.
M. Desbiens, qui était membre de la congrégation des frères maristes depuis 1945, est mort d'insuffisance pulmonaire, a indiqué lundi le frère Jean-Yves Savard, directeur de la résidence de l'ordre religieux à Château-Richer, près de Québec.
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Décrit comme un précurseur des bouleversements de la Révolution tranquille au Québec, Jean-Paul Desbiens, né en 1927 à Métabetchouan, au Lac-Saint-Jean, a eu une influence importante sur l'éducation dans la province. Son travail d'enseignant, qu'il a exercé après être devenu mariste en 1945, l'a incité à publier dans le journal Le Devoir des articles polémiques, qu'il signait du pseudonyme «Frère Untel».
Ses textes, dans lesquels il dénonçait le système d'éducation ainsi que la qualité de la langue parlée et écrite au Québec, seront ensuite colligés dans un recueil publié en 1960. Avec plus de 100 000 exemplaires vendus, Les Insolences du Frère Untel sera l'un des premiers grands succès de librairie du Québec.
En 1964, M. Desbiens a été nommé conseiller au ministère de l'Éducation du Québec, qui venait alors d'être créé. Outre ses responsabilités de l'enseignement primaire et secondaire, il sera associé aux travaux qui donneront le jour aux cégeps.
De 1970 à 1972, Jean-Paul Desbiens deviendra éditorialiste au quotidien La Presse, puis directeur, jusqu'en 1978, du Campus Notre-Dame de Foy, un établissement collégial privé près de Québec.
M. Desbiens a ensuite été provincial des frères maristes.
Celui qui fut le tout premier ministre québécois titulaire du portefeuille de l'Éducation, Paul Gérin-Lajoie, estime que Jean-Paul Desbiens a été un précurseur des bouleversements de la Révolution tranquille.
Selon lui, Les Insolences du Frère Untel ont sonné le «coup de mort de l'ancien régime».
«Il a été l'un des précurseurs de la Révolution tranquille, a dit M. Gérin-Lajoie, qui l'a embauché dès la création du ministère de l'Éducation. Il est arrivé à une époque charnière, qui lui a permis d'être à la fois un fossoyeur et un créateur.»
Par ses articles, M. Desbiens a contribué à la mort du département de l'Instruction publique et de l'ancien système de l'éducation, a dit M. Gérin-Lajoie.
Son travail de conseiller du ministre l'a ensuite associé à la mise en forme des nouveaux programmes d'enseignement primaire et secondaire, en plus de lui permettre de contribuer à la constitution des cégeps, surtout pour leurs contenus pédagogiques.
Mais avant d'être reconnues, les prises de position polémiques de M. Desbiens lui avaient valu d'être exilé à Rome puis en Suisse par la hiérarchie religieuse, sous prétexte de faire un doctorat, a dit M. Gérin-Lajoie. Le nouveau ministre de l'Éducation s'était d'ailleurs entendu avec les autorités religieuses pour le faire revenir au Québec.
Un collègue et ami de M. Desbiens, Laurent Potvin, a indiqué que le cardinal Paul-Émile Léger était d'ailleurs intervenu en faveur du polémiste afin de lui éviter l'excommunication ou le renvoi de sa congrégation.
«Certains évêques ont mal pris ses écrits sauf Paul-Émile Léger, qui a mis la pédale douce dans tout ça, a dit sur les ondes de Radio-Canada M. Potvin, un frère mariste lui aussi. Ça lui a permis d'éviter d'être victime des foudres de l'Église et de sanctions comme l'excommunication ou le renvoi de l'Institut des frères maristes.»
Malgré les controverses et les polémiques qui l'ont animé, M. Desbiens savait faire la part des choses, a dit M. Potvin.
«Il aimait la discussion, il aimait ce genre de combat mais il était toujours respectueux des gens», a-t-il dit.
M. Potvin se souviendra d'un «homme impressionnant, qui a été fidèle à sa vie religieuse et qui a rendu service au pays dans le domaine de l'éducation».
Au nom du gouvernement du Québec, le ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier, a offert ses condoléances aux proches et aux membres de la famille du frère Desbiens, par voie de communiqué.
«Le Québec est aujourd'hui en deuil de l'un de ses grands bâtisseurs. Bien connu pour son franc-parler et son style pamphlétaire, Jean-Paul Desbiens a été l'un des précurseurs de la Révolution tranquille. Les «Insolences du Frère Untel» ont contribué de manière significative à une importante prise de conscience collective quant à la nécessité de pallier certaines déficiences du système éducatif québécois (...) notamment en ce qui a trait à l'enseignement du français.
Quant au chef du Parti québécois, André Boisclair, il a réagi au décès de M. Desbiens en affirmant, par voie de communiqué, que ce «grand défenseur de la langue française, grand artisan de la mise en place de notre système d'éducation, (...) aura été un acteur important de la Révolution tranquille et de l'affirmation de notre identité nationale».
«Le Québec perd un homme de conviction, animé par un sens du devoir irréprochable», a ajouté M. Boisclair.
En février dernier, M. Desbiens avait été fait officier de l'Ordre du Canada. Il était chevalier de l'Ordre du Québec depuis 1988.
Les funérailles de M. Desbiens auront lieu cette semaine mais le jour n'a pas encore été précisé, a indiqué Jean-Yves Savard
mardi, juillet 25, 2006
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